Page:Lavergne - Fleurs de France, 1924.djvu/30

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– Cela ne fait rien, Mademoiselle, je vous traduirai ce que vous voudrez. D’ailleurs, les images parlent toutes seules. C’est l’Évangile de saint Luc. Regardez, voici la crèche, les bergers et les anges qui chantent.

– Oh ! que c’est joli ! » s’écrièrent Marie et ses frères, entourant Luce, et se penchant pour regarder les miniatures du manuscrit, images imparfaites et naïves comme on les faisait alors, mais d’un coloris si frais, d’une composition si claire, que l’art, en se perfectionnant, n’a pu dépasser leur charme ni égaler leur éclat. Tout en feuilletant avec précaution le beau manuscrit, Luce était arrivée au vingt-quatrième chapitre de saint Luc, et une belle image arrêta ses regards.

« Quels sont, demanda-t-elle à Pierre, ces trois voyageurs debout à la porte d’une hôtellerie ?

– Je vais vous le dire », dit Pierre, et, prenant le livre et suivant avec le doigt les lignes et les versets brillants d’azur, d’or et de cinabre, il traduisit à ses auditeurs l’évangile des disciples d’Emmaüs.

Les deux jeunes filles et les enfants l’écoutaient les mains jointes et les larmes aux yeux ; Pierre pleurait aussi, et quand il eut fini, tous s’écrièrent : « Seigneur ! que c’est beau ! »

Jamais Pierre n’oublia ce jour, et même au déclin de sa longue vie, et lorsque sa main débile eut peine à soutenir sa crosse d’abbé de Saint-Sauveur, jamais il ne lut ou n’entendit cet évangile sans se rappeler le jour où il l’avait traduit pour la première fois au pied du grand hêtre du val de Brix.

À peine eut-il, fini sa lecture, que Georget dit en regardant du côté de la ferme :

« Voici ma mère qui vient par ici avec le père Hélier.

– Le père Hélier ! s’écria Luce : mon grand père serait-il malade ? » et ils coururent tous au-devant du chapelain. Celui-ci leur cria de loin : « Benedicamus Domino ! mes enfants, j’apporte de bonnes nouvelles. » Les regards anxieux de Luce l’interrogeaient.

« Réjouissez-vous, Mademoiselle, dit le bon religieux : Mme du Hommet a des nouvelles de nos croisés. Le conné-