Page:Lavergne - Fleurs de France, 1924.djvu/48

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ses vassaux. Il voulut savoir le sujet de leurs alarmes, et la vieille Arlette le lui dit. Il entra dans une grande colère, et dit qu’il enverrait Alain pour savoir la vérité.

« Ceux qui accusent Robert de rébellion contre le roi de France en ont menti ! s’écria-t-il ; ses archers écossais devaient entrer au service du duc de Bretagne, et c’est lui, Pierre Mauclerc, qui les a envoyés à la Haye-Paisnel. Mais mon fils ne peut, ne doit pas y être. Ne répétez pas cette calomnie, femmes, ou je vous ferai punir ! Retournez chez vous et soyez tranquilles. Si par malheur les Bretons viennent jusqu’ici, le château vous servira d’asile. Il est armé et approvisionné et pourrait soutenir un siège d’un an. Tenez-vous prêtes : rassemblez vos troupeaux, rentrez vos récoltes. Tout cela peut être logé ici. Allez, mais ne dites pas que mon fils trahit la France. »

Les femmes se retirèrent en silence et coururent chez elles, où, tout en se préparant à porter au château meubles, récoltes et bestiaux, elles reprirent le fil de leurs lamentations interrompues.

Le baron continua à se promener à grands pas dans la salle, en répétant qu’il était impossible que son fils fût parmi les révoltés.

« Hélas ! dit tout bas à Luce le père Hélier, qui venait d’entrer, rien n’est plus sûr pourtant.

– Je le pressentais, dit Luce ; lady Marjory me l’avait fait entendre.

– Que murmurez-vous là ? dit le baron ; allez-vous aussi accuser mon fils ! Appelez Alain, Luce, que je lui donne mes ordres. »

Alain partit accompagné de deux hommes d’armes. Il alla jusqu’à Coutances et revint trois jours après apportant la nouvelle que le château de la Haye venait d’être pris, livré aux Anglais par la trahison de Foulques Paisnel, et que, parmi les bannières qui flottaient sur ses tours, on voyait à côté des léopards d’Angleterre le lion rampant de Brix. Le baron Adam fut atterré. Il s’enferma seul dans sa chambre, repoussa les soins de Luce, refusa de donner aucun ordre, et passa plusieurs jours dans une sombre tristesse.