Page:Lavergne - Fleurs de France, 1924.djvu/56

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faire des discours, Alain rendit compte à son maître de tout ce qu’on avait cru devoir lui cacher depuis un mois. Bien loin d’abattre le courage du vieux gentilhomme, ce récit lui rendit toute sa vigueur. Il demanda un verre de vin, le but à la confusion des Bretons et des Anglais, se fit armer, et déclara qu’il allait, au lieu de fuir, se mettre en état de défense, et passer en revue ses hommes d’armes.

Pendant ce temps, Marie, ennuyée d’attendre, laissa son frère chez l’écuyer et lui dit : « Je vais essayer d’entrer chez mademoiselle. » Et elle monta dans la tourelle dont l’escalier conduisait à la chambre de Luce. Elle trouva dans la pièce qui précédait les trois suivantes de Mlle de Brix qui s’habillaient, car leur maîtresse voulait que l’on fût matinal et se faisait éveiller tous les jours à cinq heures. Les jeunes filles firent une exclamation d’étonnement en voyant entrer Marie.

« Hé quoi ! Marie du Val ici ! s’écrièrent-elles ; le pont est encore levé. Êtes-vous venue à travers les airs ?

– Peut-être bien, dit Marie ; je vous conterai cela tantôt, mais permettez-moi de le dire d’abord à mademoiselle. » Et, entrant doucement dans la chambre de Luce, elle en referma la porte au verrou.

Luce dormait, toute pâle, dans ses vêtements froissés, et les cheveux en désordre, Marie s’assit près d’elle et se mit à prier Dieu en attendant qu’elle s’éveillât. Bientôt, tout en dormant, Luce se mit à gémir et à soupirer, oppressée par un mauvais rêve. Marie alors l’éveilla en lui baisant la main, et Luce, ouvrant les yeux, reconnut sa sœur de lait, et se jeta à son cou.

« Ma bonne Marie ! s’écria-t-elle, oh ! que je suis heureuse de te voir ! Je rêvais que messire Guillaume revenait, qu’il m’amenait un beau palefroi blanc pour me conduire à l’église, et voilà qu’au lieu de mes habits de mariée je ne trouvais dans mon coffre qu’une robe de deuil et une épée toute sanglante. Oh ! l’horrible rêve !

– N’y pensez plus, Mademoiselle, tout songe est mensonge. Je vais arranger vos cheveux, vous mettre une autre robe, et nous irons déjeuner avec du bon beurre que j’ai apporté pour vous ; puis nous irons au Val chercher des œufs frais et des fleurs.