Page:Lavergne - Fleurs de France, 1924.djvu/71

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Quand il eut fini son frugal repas, Pierre alla prier à la chapelle, et jetant les yeux vers le chœur fermé d’une grille, il vit cette grille s’ouvrir et un prêtre en sortir précédé de deux clercs portant des cierges allumés, et tenant lui-même la sainte hostie dans une custode d’or. Pierre le reconnut, il l’avait vu plus d’une fois à l’abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, et les traits du bienheureux Thomas Hélie de Biville n’étaient pas de ceux que l’on oublie. À cette époque, il n’avait encore qu’une quarantaine d’années ; mais ses cheveux déjà presque blancs, la maigreur de son visage et de ses mains blanches comme l’albâtre, lui auraient donné l’air d’un vieillard si ses yeux pleins de feu, sa démarche et le on de sa voix n’eussent décelé son âge. Rien n’était plus beau que de l’entendre parler, rien si ce n’était de le voir à l’autel. Alors il semblait plutôt un ange qu’un homme, et, en le voyant, personne ne doutait des fréquents miracles que la voix des peuples lui attribuait. On lui amenait de toutes parts les infirmes et les malades, afin qu’il les touchât, et la reine Blanche l’avait mandé près du jeune roi l’année précédente pour qu’il l’instruisît, ainsi que les princes ses frères, des vérités de la foi. Louis IX, enfant et déjà saint, s’était attaché au prêtre normand, et Thomas de Biville ne le quittait plus. Il avait sa tente près de celle du roi, et c’était pour un soldat normand, blessé la ville, qu’il venait chercher le saint viatique. Pierre se leva et le suivit. À la suite du bienheureux, il entra dans le camp, et un grand nombre de chevaliers et de soldats suivirent le saint Sacrement. Lorsque le malade eut été administré, Thomas de Biville congédia les clercs, et reprit le chemin du quartier royal. Pierre s’avança alors vers lui, et s’en fit reconnaître aisément. Thomas Hélie savait que ce jeune homme était l’élève et l’ami des bénédictins, et il se souvenait que Pierre lui avait servi la messe plus d’une fois quand il allait prêcher à Saint-Sauveur la retraite annuelle des religieux. Il l’accueillit avec bonté et l’emmena dans sa tente.

« Demain matin, lui dit-il, vous me direz vos peines, mon enfant. Je vois que vous êtes affligé et bien fatigué. Priez, reposez-vous sur cette petite couchette, et ayez confiance, Dieu vous assistera. »