Page:Lavergne - Fleurs de France, 1924.djvu/73

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désignés pour assister à la première messe se rangèrent autour de la clairière. – De nombreuses bannières armoriées flottaient au-dessus de cette foule silencieuse et martiale, et le coup d’œil était si beau, que Pierre oublia totalement ce que Thomas de Biville lui avait recommandé, et que celui-ci dut le faire avertir par un varlet. Quand Pierre revint, précédant le prêtre, il n’osa lever les yeux, mais il frôla en passant les longs vêtements de la reine de France et entrevit comme dans un éclair la blonde chevelure de Louis prosterné.

Il les vit communier, et la beauté, la majesté de la mère et du fils lui firent penser que seuls la Vierge mère et l’Enfant divin devaient resplendir de plus d’éclat et de grâce souveraine. La voix charmante des enfants de chœur de la chapelle royale et la mâle harmonie de celles des guerriers ravirent le pauvre Pierre. Il se croyait au ciel ; il faillit pleurer quand, la messe finie, il dut s’éloigner et reconduire le bienheureux à l’oratoire de la reine.

Après le dîner, que la reine faisait à dix heures, et qu’elle ne prolongeait jamais au delà d’une demi-heure, Blanche de Castille alla se promener dans la forêt avec son fils et Thomas de Biville, qui, le dimanche, consentait à prendre place à la table du roi. En semaine, Louis IX jouait à la paume ou se divertissait après le dîner, avec des compagnons de son âge, à d’autres jeux d’adresse ; mais le dimanche il restait près de la reine et aimait à s’entretenir avec elle des sujets convenables à la sainteté du jour. Thomas Hélie avait averti Pierre que la reine irait sans doute se reposer au pied d’un chêne d’où l’on découvrait une belle vue, et qui était sa place favorite depuis quelques jours. De là on n’entendait que très peu le bruit du camp, on ne voyait pas la forteresse assiégée, et Blanche de Castille pouvait, en reposant ses yeux sur les pentes verdoyantes du coteau de Beaumont, oublier un instant les soucis du trône et la guerre qu’elle était obligée de faire à ses sujets rebelles.

Pierre s’était assis sur le bord du chemin, à demi caché sous les feuillages. Bientôt il vit la reine s’avancer, la main légèrement appuyée sur l’épaule de son fils. Thomas