Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/229

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de ses victimes, ou les élreint dans sa longue queue elles étouffe en les brisant.

Siegfried, très calme à ce récit, se promet d’enfoncer Nothung dans le cœur du monstre ; et lorsque Mime insiste et lui prédit qu’il ressentira la peur en se trouvant face à face avec le dragon, il s’impatiente et l’oblige à s’éloigner, en le menaçant à son tour de l’affreuse bête.

Resté seul en attendant le combat, Siegfried pense avec joie qu’il va quitter à tout jamais ce nain odieux qui lui fait horreur ; il songe aussi avec un profond attendrissement à cette mère qu’il aurait tant aimée et dont les caresses lui ont été refusées. Il se plaît à se la représenter belle et douce, avec des yeux clairs et brillants comme ceux des gazelles. Il soupire et médite, puis est tiré de son rêve par les murmures de la forêt qui montent de tous côtés et emplissent son âme d’une poésie mystérieuse ; par le chant joyeux d’un oiseau perché au-dessus de sa tête et dont il regrette de ne pouvoir comprendre le doux langage ; peut-être lui parlerait-il de cette mère tant aimée ? Il veut essayer d’imiter son gazouillement et taille un roseau avec son épée pour s’en faire un chalumeau ; mais il ne peut tirar que des sons criards de ce primitif instrument, et le jetant avec dépit, il le remplace par son cor d’argent, sur lequel il sonne sa joyeuse fanfare.

C’est ainsi que jadis, demandant à la forêt un cher compagnon, il n’a trouvé que l’ours et le loup : que viendra-t-il maintenant ?

En se parlant ainsi, Siegfried se retourne et se trouve en présence de Fafner, qui, sous la forme d’un reptile hideux, s’est avancé vers le milieu de la scène et fait entendre un grognement sonore. L’adolescent rit à sa vue et ne s’effraye nullement des paroles menaçantes du monstre ; il le raille sur les mignonnes dents qu’il exhibe, et, tirant