Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/294

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sure ; il ne s’agit pas ici de se pâmer sur une belle note, et le chef d’orchestre n’est pas là pour suivre le chanteur ; car la forme même de sa mélodie, telle que nous venons de la décrire, qui passe constamment de la scène à l’orchestre et de l’orchestre à la scène (séjournant bien plus longtemps à l’orchestre), exige l’interprétation symphonique. Il n’en peut être autrement, et c’est là le secret de sa puissance ; elle est instrumentale et commentatrice du vers ou de l’action, et c’est en cela qu’elle diffère de la mélodie italienne et française, basée sur la carrure et l’effet chatoyant du contour vocal, de la vocalise.

Les ornements mélodiques sont rares dans Wagner ; le grupetto semble réservé à l’expression des sentiments amoureux, passionnés, ou bien alors il entraîne l’idée de la suprême élégance.

Mais ce qui est loin d’être rare, c’est l’emploi épisodique des formes mélodiques les plus franchement italiennes. Voir le Chant d’amour dans Tristan (page 325 ci-après) ; la phrase en bémol de Flosshilde, au 1er  tableau de l’Or du Rhin ; puis, à la scène II, la deuxième partie de la phrase de Fricka (déjà citée précédemment, page 270), reprise aussitôt par Wotan un ton plus bas, et qui a reçu le nom de la Fascination de l’amour (page 380). Il faut d’ailleurs se souvenir que Wagner a fort admiré, au moins en un temps, l’élégance et la souplesse de la phrase vocale de Bellini… « Chez Bellini c’était la claire mélodie, ce chant si simplement noble et beau qui nous a charmés ; retenir et croire cela n’est vraiment pas un péché ; ce n’en est peut-être pas un non plus que de prier encore le Ciel, avant de se coucher, pour que vienne aux compositeurs allemands l’idée de telles mélodies et une