Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/80

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ment de ceux qui ne jugent que par l’extérieur des choses. Nerveux et impressionnable à l’excès, les sentiments qu’il éprouve sont toujours poussés à leur paroxysme ; une peine légère est chez lui presque du désespoir, la moindre irritation a l’apparence de la fureur. Cette merveilleuse organisation, d’une si exquise sensibilité, a des vibrations terribles, on se demande même comment il peut y résister : un jour de chagrin le vieillit de dix ans ; mais, la joie revenue, il est plus jeune que jamais le jour d’après. Il se dépense avec une prodigalité extraordinaire. Toujours sincère, se donnant tout entier à toutes choses, d’un esprit très mobile pourtant, ses opinions, ses idées, très absolues au premier moment, n’ont rien d’irrévocable ; personne mieux que lui ne sait reconnaître une erreur ; mais il faut laisser passer le premier feu. Par la franchise, la véhémence de sa parole, il lui arrive assez souvent de blesser, sans le vouloir, ses meilleurs amis ; excessif toujours, il dépasse le but et n’a pas conscience du chagrin qu’il cause. Beaucoup, froissés dans leur amour-propre, emportent sans rien dire la blessure, qui s’envenime dans la rancune, et ils perdent ainsi une amitié précieuse ; tandis que, s’ils avaient crié qu’on les blessait, ils eussent vu chez le Maître des regrets si sincères, il se serait efforcé avec une effusion si vraie de les consoler, que leur amour pour lui s’en serait accru. »

À ces deux portraits joignons, pour les compléter, celui tracé dans une récente publication par M. Émile Olivier, le beau-frère de Richard Wagner : « Le double aspect de cette personnalité puissante se marquait sous son masque ; la partie supérieure, belle d’une vaste idéalité, éclairée par des yeux réfléchis, profonds, sévères, doux ou malins suivant l’occasion ; la partie inférieure, grimaçante et sarcastique ; une bouche froide, calculée, pincée,