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AUX ÉLÈVES DU CONSERVATOIRE

Mes bons amis,


Je me sens pris d’un remords tardif ; — dites si vous voulez d’un remords sénile, vous qui êtes jeunes, ce en quoi vous avez bien raison ; continuez tant que vous le pourrez ; — depuis quelque chose comme vingt-cinq ans, un quart de siècle, que j’écris constamment ouvrage sur ouvrage pour vous donner du fil à retordre, de sales bouquins didactiques, comme on dit, je n’ai pas encore songé à en écrire un seul pour vous amuser !


Et pourtant vous en avez bien besoin, mes pauvres amis, ne serait-ce que pour les terribles journées de concours, où, emprisonnés dès le matin, vous devez vous morfondre patiemment jusqu’au soir pour passer selon votre numéro de tirage, soixante-dizième ou soixante-quinzième !


Et pourtant aussi, je sais que vous m’aimez bien au fond, car vous me le montrez dans toutes les circonstances où l’occasion s’en présente, bien que quelques-uns de vos anciens m’aient appelé, pendant plusieurs années, le Capitaine Marche-ou-Crève, ce qui d’ailleurs ne m’a nullement blessé. Je l’ai compris ainsi : avec moi, c’est tout l’un ou tout l’autre ; il faut marcher, faire son chemin dans l’école, ou abandonner la partie ; et je me suis considéré comme flatté, et je le suis encore, ce qui prouve mon excellent caractère.