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LES GAIETÉS DU CONSERVATOIRE

— « Attendez, laissez-moi faire ; celui-là, nous allons le démonter, ce sera plus commode. »

En même temps, je me mets tranquillement à dévisser les écrous, et en quelques minutes vingt morceaux de piano sont symétriquement étendus sur le sable. J’en confie deux ou trois à chaque homme, j’en prends quelques-uns moi-même, et nous voilà tous grimpant d’un pas alerte jusqu’à l’étage du grenier, sans que les murs ni la rampe soient menacés de la moindre écorniflure.

Je reconstitue le piano, je l’essaye, et je remets à chacun des porteurs sa gratification habituelle de chaque année.

. . . . .

Les hommes n’avaient rien dit ; il n’est pas dans le caractère du paysan picard de témoigner de l’étonnement ; mais il était visible que tous, les patrons surtout, le menuisier et le serrurier, avaient suivi mon opération, d’abord avec une méfiance sournoise, puis avec un intérêt de plus en plus marqué. On sentait qu’il y avait là pour eux un enseignement, une leçon de choses, dont ils entendaient bien tirer parti, les escaliers étroits n’étant pas rares dans le pays.

Cela ne devait pas tarder, car dès le surlendemain, je rencontrais à quelques pas de la maison un lamentable piano d’Elcké absolument éventré, gisant sur le sable en quatre ou cinq gros morceaux : on avait d’abord enlevé toutes les vis,