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LES GAIETÉS DU CONSERVATOIRE

avaient un concierge spécial, dont on a toujours maintenu l’emploi malgré la suppression du Pensionnat, ce qui explique, par parenthèse, pourquoi le Conservatoire, n’ayant que deux portes, possède trois concierges. Là, on leur enseignait le Chant et la Déclamation lyrique, et ils étaient censés apprendre aussi le solfège et quelques éléments de piano[1].

Cherubini avait institué à leur égard une discipline de fer ; une grille du même métal, toujours fermée comme celle d’une prison, existait sous le porche ; défense absolue était faite à ces jeunes gens de sortir seuls ; ils ne pouvaient mettre le nez dehors qu’en bande et accompagnés ; la surveillance était de tous les instants… Les récréations se prenaient en commun, dans la cour quand il faisait beau, sous l’œil vigilant des trois concierges, d’un surveillant spécial et du Directeur du Pensionnat. La correspondance était l’objet d’une attention spéciale. Un vrai règlement de couvent, enfin !

Cela n’empêchait pas que presque toutes les nuits il y avait des évasions, puisque tous les matins ou à peu près il y avait des pensionnaires qui rentraient par la porte. Ils savaient bien sortir, mais ils ne savaient pas rentrer ; le personnel était sur les dents, Cherubini furieux.

Voilà qu’un beau soir à onze heures, le tambour-maître d’un régiment en garnison à la caserne de la Nouvelle-France, passant rue Bergère, reçoit dans ses bras un jeune homme qui se laissait glisser le long d’un tuyau de descente. Il le prend pour un voleur et lui met la main au collet ; explications bruyantes, altercation, lutte, pendant lesquelles le quartier s’ameute, et, avec le quartier, les trois concierges, le surveillant spécial… Ce fut un scandale épouvantable, si bien que le lendemain Cherubini, exaspéré, donnait l’ordre de mettre

  1. Il y a eu aussi, de 1822 à 1826, un pensionnat d’élèves-femmes (26, rue de Paradis), dont nous n’aurons pas à parler plus longuement.