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LES GAIETÉS DU CONSERVATOIRE

Ce à quoi j’étais censé répondre :

C’est moi qui le retiens pour un travail où il m’est indispensable, et lui est d’ailleurs très profitable.

Cela a duré plusieurs mois, pendant lesquels je considérai cet animal de Troublot comme une sorte de méconnu, un pauvre garçon bien méritant, et me faisais des reproches de l’avoir souvent secoué indûment.

Il y avait des variantes ; je recevais cette communication, par exemple :

Mon pauvre fils arrivera en retard ce matin, il a dû passer la nuit près de sa pauvre grand-mère mourante à Nogent-sur-Marne ; il n’a pu préparer aucun travail ;

pendant que le père recevait celle-ci :

Votre fils devient un élève modèle. Je suis très satisfait de ses progrès.

Il arrive toujours le premier à la classe et en part le dernier.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Toute cette machination fut découverte par un hasard. Il est bien connu que c’est au hasard qu’on doit en général la plupart des grandes découvertes. Un beau jour, par inadvertance, le pauvre Troublot me remit le carnet no 2, celui destiné au père !!!… le carnet où je ne tarissais pas d’éloges sur son compte… Et alors tout son bel édifice s’effondra.

Je n’eus aucune pitié ; je communiquai à M. Thomas les notes de classe, je fis rechercher les absences sur la feuille du surveillant, je racontai en détail la mystification du double carnet, je dépeignis le caractère indécrottable de l’individu.

M. Ambroise Thomas était indigné, outré ; il se promenait de long en large en disant : « Nous ne pouvons pas tolérer de