quelque chose comme le rastaquouère d’aujourd’hui, très brun à forte moustache noire, grande cravate de soie rouge flottant au vent, complet de nankin avec un bouquet de couleurs éclatantes à la boutonnière, conduisant lui-même un tilbury très haut sur roues, attelé en tandem ; nous saluons, il répond courtoisement.
— « Et celui-ci ?
— C’est Victor Hugo.
— Comment ? mais il est exilé !
— Exilé pour la forme ; la preuve c’est que nous dînons chez lui tous les jeudis.
— Comme on est mal renseigné en province ! »
Et de saluer de nouveau. — Nous envoyons un bonjour amical à une pseudo-princesse de Metternich, qui répond d’un mouvement gracieux de son ombrelle ; puis nous croisons successivement, toujours échangeant des salutations familières, le général Changarnier, Cavaignac, Armand Carrel…
— « Mais… n’a-t-il pas été tué en duel par Girardin ?
— Non, c’est le contraire ; voilà comme on écrit l’histoire. »
Arrivé au lac, le digne père Kalb, que décidément nous avions réussi à faire tourner en bourrique, avait toujours la main prête pour saluer en même temps que nous ; à la cascade, il lui arrivait même parfois de saluer le premier, dès qu’il apercevait un bel équipage.
Arrêt au restaurant de la Cascade. Simple lunch :
Au retour, nous mettons pied à terre un instant. Dans une contre-allée solitaire se promenait les mains derrière le dos un officier de paix en uniforme, avec de longues moustaches cirées et une cigarette à la bouche.
— « Tiens, l’Empereur, qui prend le frais incognito ! s’écrie