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LE GRAND SÉPULCRE BLANC

lorsque arrive l’anniversaire de la Rédemption du genre humain.

Peu importe l’endroit où se trouve l’homme ! Que ce soit dans la zone glaciale ou sous le climat brûlant de l’Équateur ; que ce soit les étoiles boréales ou la splendeur de la lune des tropiques qui éclairent sa joie, partout il sent la suavité spirituelle de la fête de la Nativité du Sauveur.

Ainsi, tous ces hardis navigateurs et explorateurs, quoique peu nombreux et éloignés des leurs, passèrent un joyeux Noël. Le matin, il y eut un chant des bons vieux cantiques, dont la mélodie simpliste va droit au cœur. Qui, enfant, n’a pas été bercé à leurs rythmes ? Dans l’après-midi, grand concert auquel furent invités les Esquimaux du petit village arctique.

Les rondes campagnardes furent dansées, chacun enlaçant sa chacune et s’oubliant dans un tournoiement accéléré.

Théodore se joignit de grand cœur à tout ce monde. Il fut causeur spirituel, se révélant aussi boute-en-train jovial et entraînant. Quelqu’un de perspicace eût pu deviner la cause de toute cette joie, car à son bras, un peu gênée et craintive, se cramponnait Pacca. Elle fut de toutes les danses. Ses yeux brillaient de plaisir, la pourpre de ses joues s’aviva et bien des regards se firent tendres en la contemplant.

Somme toute, l’hiver s’écoula assez rapidement. De temps en temps il y avait concert au salon où l’on fêtait l’anniversaire d’un officier. Il est certain que quelques-uns eurent deux anniversaires cet hiver, car il y avait à ces occasions banquet et double ration de rhum. Mais le bon vieux capitaine Bertrand, quoique non dupe de ces petites supercheries, en bon philosophe, n’y laissait rien paraître.

Dès le mois de mars, quoique le thermomètre enregistrât encore de 30 à 49 degrés sous zéro, de nombreuses expéditions furent envoyées en différents endroits. L’une d’elles marqua d’un caillou blanc l’existence de notre héros. Il ne faut pas anticiper, le lecteur désirant apprendre plus particulièrement quel parti Théodore tira du programme qu’il s’était tracé pour l’emploi des longs mois de l’hiver, dont un court aperçu vient d’être narré.


CHAPITRE XII

ÉTUDES SUR LES ESQUIMAUX


J’ai cru trouver bien des Compagnons dans l’étude de l’homme, puisque c’est celle qui lui est propre. J’ai été trompé. Il y en a moins qui l’étudient que la géométrie.

Pascal.


Dès son retour au Neptune, Théodore, après quelques jours de repos bien mérités, se fit construire un observatoire en blocs de neige sur la grève. Il y transporta ses instruments magnétiques et reprit sa série d’observations, malgré le froid vif, le thermomètre variant de 50 à 55 degrés sous zéro en janvier, février et mars.

Ce travail l’occupait de deux à trois heures par jour. Comme délassement, il se rendait alors au village esquimau, distant d’un mille et quart. À l’iglou de Nassau, père de Pacca, il était toujours reçu à bras ouverts. L’on se saluait d’un « chaïmo »[1], amical, l’on s’installait à l’indienne sur les peaux de renne et le travail commençait. La vieille grand’mère s’occupait de la lampe de pierre, maintenant une chaleur d’une quarantaine de degrés au-dessus de zéro dans la hutte.

Après plusieurs mois d’études philologiques, Théodore commençait à savourer toute la beauté du langage agglutinatif des Esquimaux, exprimant en termes précis et clairs toutes les nuances de la pensée humaine. Pouvant suivre une conversation, et de temps en temps y mettre son mot, étant compris et surtout encouragé par un clignement d’yeux de Pacca, tout cela lui faisait oublier les efforts passés, car c’est tout un travail que de s’assimiler une langue étrangère sans manuel, sans grammaire.

Suivons-le maintenant et saisissons une de ces longues conversations sur les us et costumes des aborigènes de la zone glaciale.

Les formalités civiles sont remplies. Tous sont installés, car presque toujours il y a des visiteurs, Euké, la cousine de Pacca, son oncle Ignoara, et quelquefois Koudnou, le sorcier de la tribu, dont l’esprit inspirateur est l’ours blanc, nanouk.

« Pacca, demande donc à ton père, si les Inuits n’ont jamais habité des terres boisées où le soleil était visible toute l’année ? »

Le récit est un peu long. Nassau par-

  1. Bonjour.