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Page:Lavoix - Histoire de la musique, 1884.djvu/105

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LE MOYEN ÂGE.

Les musiciens de ce temps avaient deux manières de composer. Tantôt ils trouvaient et cherchaient des chants originaux, tantôt ils combinaient ensemble deux, trois ou quatre mélodies déjà connues que l’on faisait entendre simultanément, d’aprés les règles du déchant. Beaucoup de ces compositions nous sont restées, qui ont une saveur toute moderne, témoin ce petit morceau de Thibaud de Navarre, dont le rythme rappelle singulièrement l’air populaire de la Bonne aventure. Voici le premier couplet de cette chanson :

L’autre jour en mon dormant.
Fui en grant doutance
D’un jeu parti[1] en chantant
Et en grant balance,
Quant amours me vint devant
Qui me dit : « que vas querant ?
Trop a corage movant,
Ce te vient d’enfance. »

Chants profanes et populaires, paroles latines sacrées, tout se trouvait mêlé de la plus singulière façon dans cette musique à plusieurs voix, issue de l’organum dont nous avons parlé, et qui avait nom déchant. Mais, si l’organum était peu ou n’était point rythmé, le déchant l’était, au contraire, et d’une manière assez précise.

Ainsi nous rencontrons, dès les xiie et xiiie siècles, la musique sous ses deux formes, soit que le chant se présente seul, soit que plusieurs mélodies se fassent

  1. On appelait «jeu parti» un genre de composition poétique et souvent musical, dans lequel deux interlocuteurs dialoguaient entre eux.