Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/527

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médiocrité de leurs revenus, de fournir à une dépense aussi considérable, nous avons cru devoir employer notre autorité pour la conservation d’une église précieuse aux habitants de notre bonne ville de Paris, par la juste confiance qu’ils ont eue dans tous les temps en la patronne de cette capitale, en procurant aux dits abbé, prieur et chanoines réguliers les sommes nécessaires pour un objet si digne de notre piété ; et ayant voulu examiner par nous-même les différents projets qui ont été présentés tant pour construire la d. église avec la majesté et la décence convenables, que pour en rendre l’accès plus facile qu’il n’a été jusqu’à présent, nous avons fait choix de celui qui a paru remplir plus parfaitement toutes ces vues ; mais comme pour accomplir un dessein qui mérite autant notre protection, il est nécessaire de démolir plusieurs maisons appartenant aux dits abbé, prieur et chanoines réguliers, et d’acquérir des maisons appartenant à divers particuliers ou communautés, en indemnisant les propriétaires ; qu’il est juste d’ailleurs de procurer aux dits abbé, prieur et chanoines réguliers les moyens de réparer, autant qu’il est possible, les sacrifices qu’ils font des bâtiments et emplacement qu’ils abandonnent pour la nouvelle construction de la dite église ; nous avons cru convenable d’y pourvoir par notre autorité. À ces causes, à ce nous mouvant, de l’avis de notre conseil et de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, nous avons statué et ordonné, statuons et ordonnons, voulons et nous plaît ce qui suit. — Article 1er. Qu’il soit incessamment procédé aux ouvrages nécessaires, tant pour la reconstruction de la nouvelle église de Sainte-Geneviève-du-Mont, que pour procurer tout ce qui pourra en faciliter les abords ; le tout suivant le plan attaché sous le contre-scel des présentes. — Art. 2e. Que les maisons et bâtiments appartenant aux dits abbé, prieur et chanoines réguliers, étant sur le terrain sur lequel la dite église doit être reconstruite, soient démolis, après néanmoins que les dits maisons et bâtiments auront été prisés et estimés par un expert qui sera nommé par notre cour de parlement, etc… — Art. 6e. Ne pourront les ouvrages des bâtiments de la dite église être adjugés et faits que sur les devis dressés par le sieur Soufflot, architecte, par nous commis pour la conduite des dits travaux et ouvrages, et signés tant de lui que des dits abbé, prieur et chanoines réguliers, etc… — Art. 10e. Ne pourra la démolition de l’ancienne église être faite qu’après l’entière reconstruction de la dite nouvelle église et la translation de la châsse de Sainte-Geneviève, etc. Donné à Versailles au mois de mars l’an de grâce 1757, et de notre règne le 42e. Signé Louis. » (Archives du royaume, section administrative, série E, no 3,443.)

L’emplacement que devait occuper l’édifice fut béni par l’abbé de Sainte-Geneviève, le 1er août 1758, mais le peu de solidité du terrain fit retarder la construction de l’église. On avait trouvé un grand nombre de puits, parmi lesquels on en compta sept ou huit qui avaient plus de 26 m. de profondeur. Ces puits comblés, les travaux marchèrent sans interruption, et l’église souterraine fut achevée en 1763. L’église supérieure était déjà élevée à une certaine hauteur, lorsque le roi Louis XV vint solennellement, le 6 septembre 1764, poser la première pierre du dôme. Le plan de ce monument présente une croix grecque. L’édifice a 100 m. de longueur, en y comprenant le péristyle ; sa largeur est de 81 m. 70 c. Au centre s’élève un dôme de 20 m. 35 c. Les quatre nefs formant les branches de la croix viennent se réunir à un point central sur lequel le dôme est assis. Il est composé de trois coupoles concentriques, dont la troisième forme la calotte extérieure ; et la première est percée à jour de manière à laisser, de l’intérieur de l’église, voir la seconde sur laquelle le célèbre Gros a peint l’apothéose de sainte Geneviève. La façade principale pour laquelle on a prodigué toutes les richesses de l’architecture, se compose d’un perron élevé sur onze marches et d’un porche en péristyle imité du Panthéon de Rome. Elle présente six colonnes de face et en a vingt-deux dans son ensemble, dont dix-huit sont isolées et les autres engagées. Toutes ces colonnes sont cannelées et d’ordre corinthien. Les feuilles d’acanthe des chapiteaux sont d’une délicatesse remarquable. Soufflot, bravant la routine, voulut donner dans cette composition, le premier exemple à Paris d’un portail formé d’un seul ordre et d’une hauteur qui indiquât celle du temple. Si l’on ne peut refuser des louanges au génie de l’architecte, la critique doit aussi faire ressortir quelques défauts. Soufflot, en voulant rappeler le portique du Panthéon à Rome, est tombé dans des erreurs qui ont altéré l’admirable proportion de l’édifice. On est d’abord choqué de la maigreur des entre-colonnements, et l’on s’aperçoit aussitôt que ces défauts n’existeraient pas si l’artiste eût placé deux colonnes de plus sous le fronton, au lieu de les reléguer en arrière-corps aux angles du péristyle ; groupées dans ce petit espace, ces colonnes ont, en outre, l’inconvénient de produire des ressauts et des profils multipliés qui nuisent à la grandeur du monument. Néanmoins, lorsque les échafauds qui avaient masqué toutes les voûtes disparurent et permirent à l’édifice de se développer dans toute son imposante majesté, un cri général d’admiration retentit !

La joie fut de courte durée, des fractures multipliées sillonnèrent les quatre piliers du dôme et annoncèrent que le poids de cette masse suspendue sur de faibles soutiens menaçait d’écraser tout l’édifice. Il fallut donc, et sans perdre un moment, renoncer à la jouissance que procurait ce beau spectacle d’architecture, et entourer d’échafauds, soutenir par des étais, un monument que l’on avait pu croire achevé après un travail de plus de trente années et une dépense excédant quinze millions. Heureusement l’accident fut jugé