meilleurs architectes d’Italie. Par une bizarrerie difficile
à expliquer, ce fut le dessin de Le Veau qu’on envoya. Les artistes étrangers, au lieu d’examiner l’ouvrage,
donnèrent plusieurs plans. Celui de Bernini obtint la préférence,
et Louis XIV demanda l’architecte habile dont
il avait admiré le travail. Bernini arriva en France. On
lui fit une réception magnifique et digne d’un prince
du sang. Des officiers envoyés par la cour apprêtaient
à manger sur la route. L’artiste était complimenté et
recevait des présents dans toutes les villes où il passait.
Quand il approcha de Paris, on envoya au-devant de
lui M. de Chantelou, maître d’hôtel du roi. Ce seigneur
qui savait l’Italien, reçut l’ordre d’accompagner
Bernini tout le temps que cet artiste daignerait séjourner
dans la capitale. Les honneurs prodigieux qu’on
rendit à cet étranger excitèrent la jalousie des architectes
français. Cette jalousie se changea bientôt en
haine, lorsqu’ils entendirent Bernini louer avec emphase
les seuls monuments de l’Italie. Voici le portrait
qu’un historien contemporain nous a laissé de cet architecte :
« Bernini avait une taille au-dessous de la
moyenne, bonne mine, un air hardi. Son âge avancé
et sa bonne réputation lui donnaient encore beaucoup
de confiance. Il avait l’esprit vif, brillant, et un
grand talent pour se faire valoir. Beau parleur, tout
plein de sentences, de paraboles, d’historiettes et de
bons mots dont il assaisonnait la plupart de ses réponses.
Il ne louait et ne prisait guère que les hommes
et les ouvrages de son pays. Il citait souvent
Michel-Ange. On l’entendait presque toujours dire :
« Sicome diceva il Michel-Angelo Buonarotti. » — Les
ennemis de l’Italien surent faire remarquer ses défauts,
raillèrent sa personne, l’abreuvèrent de dégoûts, et le
forcèrent enfin à demander sa retraite. Après huit mois
de séjour en France, Bernini retourna en Italie, comblé
d’honneurs et de pensions, mais forcé d’abandonner
aux architectes français un champ que sa réputation
lui avait acquis et que sa vanité lui avait fait
perdre. Colbert favorisa alors ouvertement le projet
de Perrault, et le fit approuver par le roi. Mais dans
la crainte qu’un médecin ne pût réunir tous les talents
nécessaires pour construire un monument aussi important,
on lui adjoignit un conseil composé de Le
Veau, de Dorbay, architectes, et du peintre Lebrun.
Colbert présidait les séances de ce conseil qui se tenait
deux fois par semaine. Le génie de Perrault ne put
néanmoins s’assujettir aux calculs pécuniaires, aux
convenances locales. Il vit et exécuta son sujet en artiste
habitué à saisir avant tout le côté poétique. L’idée
qu’il s’était faite du palais d’un grand empire était
empreinte de ce caractère grandiose et majestueux qui
domine le spectateur et lui donne une haute opinion
du maître qui l’habite. En vain chercherait-on à critiquer
le péristyle du Louvre en disant que les colonnes
accouplées le déparent, que le soubassement trop
élevé est défectueux ; ce qui constitue les chefs-d’œuvre
n’est point l’absence des défauts, mais bien la
présence des beautés du premier ordre, placées par la
main du génie avec cette hardiesse qui commande
l’admiration. Cet artiste éminent a fait revivre avec
une grande habileté la justesse et la beauté des proportions
antiques. Il a porté le bon goût des ornements,
la pureté des formes, le fini d’exécution à ce haut degré
qui est peut-être la dernière limite que le génie ne saurait
franchir impunément. Perrault érigea également une
partie de la façade en retour du côté de la rivière. Mais les
dépenses excessives des bâtiments de Versailles, entrepris
à la même époque, et surtout les frais occasionnés
par les guerres, firent suspendre les travaux du Louvre.
La régence dédaigna de purifier les richesses éphémères créées par le système de Law, en les employant à l’achèvement de nos édifices nationaux. Louis XV résolut de continuer le Louvre ; Gabriel et Soufflot furent chargés successivement d’en diriger les constructions d’après les projets de Perrault. On bâtit alors le troisième ordre de la face intérieure, derrière la colonnade, le fronton dans la cour du midi, celui du nord et le vestibule de la rue du Coq. Mais bientôt le Louvre fut livré à d’obscurs favoris qui s’y formèrent des habitations en rapport avec leur taille, rien ne fut respecté ; on perça les murs principaux pour faire des distributions nouvelles, les poutres des planchers furent coupées pour livrer passage à des tuyaux de cheminées, puis les voûtes, les piliers, soutiens de l’édifice, furent altérés, mutilés ; des maisons particulières obstruèrent aussi la cour, les façades furent couvertes dans le bas par des barraques informes et dégoûtantes ; en un mot, ce superbe monument ressemblait à un géant attaqué par des pygmées. L’infortuné et vertueux Louis XVI doit être mis au nombre des souverains qui se sont imposé la glorieuse obligation de terminer le Louvre ; ce palais commençait à se débarrasser des cahutes qui l’emprisonnaient, lorsque les troubles politiques vinrent encore suspendre les travaux. La république échangea ses richesses contre du fer, et dédaigna de s’occuper de ce palais, après en avoir tué le maître.
Napoléon, qui cherchait à rattacher le présent au passé, résolut de terminer un palais auquel sept rois ses prédécesseurs avaient travaillé. L’empereur s’exprimait ainsi devant MM. Percier et Fontaine, sur la destination future du Louvre : « Que la majesté et la grandeur soient le caractère distinctif de ce palais, où le souverain ne viendra que passagèrement recevoir les hommages et les respects dus à son rang ; car c’est dans une demeure d’une proportion moins vaste, c’est hors du trône et de la représentation dont il ne peut se passer, qu’il ira chercher toutes ses aises et le bien-être de la vie privée. » — Napoléon décida qu’on garderait la façade de l’horloge, du côté du couchant, comme modèle de l’ancien Louvre, bien supérieur au Louvre nouveau, et que les trois autres façades au midi, au nord, et au levant, ouvrages du règne de Louis XIV, seraient achevées, améliorées et raccordées à la première. Cette détermination fut exécutée ; trois