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Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/8

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Abattoirs.

La création des abattoirs, comme tout ce qui émanait de la toute-puissance impériale, est empreinte d’un caractère grandiose qui décèle la hardiesse du génie.

Si l’on interroge le passé, les tueries, placées dans l’intérieur de la ville, étaient de véritables cloaques qui changeaient en poison l’élément nécessaire à la vie de l’homme.

Mercier, dans son Tableau de Paris, édition de 1783, parle ainsi des boucheries : « Le sang ruisselle dans les rues, il se caille sous vos pieds, et vos souliers en sont rougis. En passant, vous êtes tout-à-coup frappé de mugissements plaintifs. Un jeune bœuf est terrassé, et la tête armée est liée avec des cordes contre la terre ; une lourde massue lui brise le crâne ; un large couteau lui fait au gosier une plaie profonde ; son sang qui fume coule à gros bouillons avec sa vie. Mais ses douloureux gémissements, ses muscles qui tremblent et s’agitent par de terribles convulsions, ses abois, les derniers efforts qu’il fait pour s’arracher à une mort inévitable ; tout annonce la violence de ses angoisses et les souffrances de son agonie, etc…

Quelquefois le bœuf, étourdi du coup et non terrassé, brise ses liens, et, furieux, s’échappe de l’antre du trépas ; il fuit ses bourreaux, et frappe tous ceux qu’il rencontre, comme les ministres ou les complices de sa mort ; il répand la terreur et l’on fuit devant l’animal qui, la veille, était venu à la boucherie d’un pas docile et lent.

Des femmes, des enfants qui se trouvent sur son passage, sont blessés ; et les bouchers qui courent après la victime échappée, sont aussi dangereux dans leur course brutale que l’animal que guident la douleur et la rage. »

À différentes époques, surtout sous le règne de Louis XV, des tentatives avaient été faites par la prévôté des marchands, à l’effet de transporter aux extrémités de la ville les boucheries qui, placées dans l’intérieur, compromettaient la santé publique. L’esprit de routine, la pénurie d’argent, firent ajourner tous les projets. La question du déplacement des tueries fut enfin soumise à l’empereur, qui faucha l’ancien abus, et dicta ces décrets qui n’admettaient pas de réplique.

9 février 1810. — « Napoléon, etc. — Article ler. Il sera fondé à Paris cinq tueries ; trois sur la rive droite de la Seine, deux sur la rive gauche. — Art. 2. Les trois tueries sur la rive droite seront, deux de vingt-quatre échaudoirs et une de douze. — Art. 3. La première pierre des quatre tueries qui sont à construire, sera posée le 25 mars par notre ministre de l’intérieur, qui ordonnera les dispositions nécessaires. — Art. 4. La corporation des bouchers de Paris sera maitresse de faire construire les cinq tueries à ses frais, et elle en aura le privilège exclusif ; sinon, les travaux seront faits sur les fonds de notre domaine extraordinaire et à son profit. »

Décret du 19 juillet 1810. — « Article ler. Le plan de l’emplacement des quatre abattoirs, dont nous avons ordonné la construction dans notre bonne ville de Paris, est approuvé tel qu’il est annexé au présent décret. — Art. 2. Notre ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du présent décret, etc. »

Décret du 24 février 1811, §4. Des abattoirs. — « Art. 39. L’accroissement de 1,500,000 francs de revenus, qui résulte pour la ville de Paris du rétablissement de la caisse de Poissy, sera d’abord employé à terminer les abattoirs. La construction du cinquième abattoir sera commencée cette année ; celle des quatre autres sera continuée avec toute l’activité possible, et de manière qu’ils soient terminés en 1812. Après l’achèvement des abattoirs, les produits de la caisse de Poissy augmenteront, dans la caisse de la ville, les fonds destinés à de nouveaux travaux. »

Cinq architectes furent chargés de l’exécution des abattoirs. Nous croyons devoir extraire de l’ouvrage que M. le chevalier Bruyère a publié sous le titre d’Études relatives à l’art des constructions, 1823, deux volumes in-folio, les passages suivants, concernant ces vastes établissements d’utilité publique. « Les architectes, d’après les ordres du ministre, se réunirent en commission, à la tête de laquelle était le vice-président du conseil des bâtiments civils, et dont le secrétaire du même conseil et le sieur Combault, maitre boucher, firent partie. La première chose dont la commission devait s’occuper était d’arrêter un programme, ce qu’elle fit dans sa séance du 14 octobre 1810.

Ce programme était l’ouvrage du sieur Combault, dont la longue expérience dans la pratique de l’art du boucher pouvait inspirer toute confiance. M. Gauché, l’un des architectes nommés par le ministre, fut chargé d’indiquer les premières dispositions, ainsi que de rédiger les plans généraux, qui devaient être conformes au programme et l’accompagner.

Il s’en acquitta avec le talent qu’on lui connaît. Ces plans comprenaient tous les édifices qui doivent composer un abattoir général. Leur disposition, dont on s’est peu écarté dans l’exécution, était largement tracée. Tous les édifices étaient isolés et entourés de rues ou de places spacieuses ; et l’on peut dire que sous ce rapport ces établissements ne laissaient rien à désirer. Sous d’autres rapports, il semble que le programme, quoique rédigé par un homme du métier, porte l’empreinte d’une opinion particulière. On pouvait croire qu’il existait une arrière-pensée, et que l’on regardait comme possible qu’une compagnie fut chargée de l’exploitation générale des abattoirs. Cette pensée, si elle a existé, était contraire à la promesse faite aux bouchers de les laisser jouir dans les abattoirs généraux de la même liberté que dans leurs ateliers, et elle a pu influer sur quelques dispositions. D’un autre côté, les bouchers, dont les nouveaux établissements contrariaient les habitudes,