Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/194

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tête[1], ils ont des hémorroïdes, des plaies sanglantes sur les mains, ils ne peuvent plus cracher ; la nuit leur langue est envahie par les vers. La croyance à ces maladies particulières aux Juifs est venue d’Espagne au quatorzième siècle ; plus tard on en dressa des catalogues, dont le plus ancien est de 1634. Dans ces catalogues, on donnait à chacune des douze tribus son mal spécial. Ceux de la tribu de Ruben ont porté la main sur Jésus, disait-on, aussi leurs mains dessèchent ce qu’elles touchent ; ceux de la tribu de Siméon ont cloué Jésus, quatre fois l’an ils ont aux mains et aux pieds des stigmates sanglants ; que son sang retombe sur nous, ont-ils crié tous, aussi leurs enfants naissent avec un bras sanglant et le jour du Vendredi saint, ils jettent le sang par le fondement. L’origine de cette croyance aux maladies des Juifs fut donc purement mystique ; on peut même dire que ce fut l’objectivation et la concrétisation des figures de rhétorique et des comparaisons allégoriques qui engendrèrent ces fables. Des légendes se formèrent qui avaient pour point de départ une métaphore, ainsi la légende sur l’odeur des Juifs. C’est Fortunat qui en parle le premier — car il semble probable que le passage d’Ammien-Marcelin qu’on a souvent invoqué a été mal cité[2] — et il en parle dans un sens

  1. Pierre de Lancre : loc. cit.
  2. Ammien-Marcellin, t. XXII. — Il est certain que le Judoeorum fœtentium dont se plaignait Marc-Aurèle vient d’une faute, ou d’une malice, de copiste, et que fœtentium — mauvaise odeur — a été mis pour pœtentium — turbulence — que contenait le manuscrit d’Ammien.