Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/197

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cas, s’il en déduit quelques-uns de réels, il ne peut s’empêcher d’en inventer d’imaginaires. Tous les êtres qui ont fait partie de ce qu’on a appelé les races maudites ont eu à supporter ces fables et ces légendes.

Des Cagots des Pyrénées, des Gahets de la Guienne, des Agotacs des Basses-Pyrénées, des Couax de Bretagne, des Oiseliers du duché de Bouillon, des Burrins de l’Ain, des Capots, des Trangots, des Gésitains des Coliberts on a affirmé ce que l’on affirmait du Juif[1]. Ils exhalent, disait-on, une odeur puante et infecte, ils dessèchent les fruits en les tenant dans la main, ils sont sujets à un flux de sang, ils ont un appendice caudal, ils versent du sang par le nombril le jour du Vendredi saint, ils ont les yeux sombres, ils baissent la tête, ils ne peuvent pas cracher. Avec quelques variantes on répétait ces contes en parlant des Ariens, des Manichéens, des Cathares, des Albigeois, des Patarins, de tous les hérétiques en général. Quant aux Templiers, contre lesquels tant d’abominations semblables ont été répandues, on les peut, plus que tous autres, rapprocher des Juifs. Comme eux, on les détestait pour leur orgueil, leur faste, leur fortune au milieu de la misère générale, leur âpreté au gain, l’emploi sans vergogne des moyens d’acquérir, la coutume des contrats usuraires. On les haïssait parce qu’ils prêtaient sur les biens et les fiefs, à con-

  1. A. Michel : Les Races maudites, Paris, 1847.