Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/205

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daïsme littéraire, celui surtout à tendances combatives et pamphlétaires, est peu varié. La plupart des écrivains antijuifs s’imitent l’un l’autre, sans scrupule ; ils se plagient, sans songer même à contrôler les affirmations de leurs devanciers. Un livre en provoque d’autres identiques : Alonzo da Spina s’inspire des Batallas de Dios, d’Alphonse de Valladolid ; Porchet Salvaticus, Pietro Galatini. Pierre de Barcelone rééditent sous des noms différents le Poignard de la Foi, de Raymond Martin ; Paul Fagius et Sébastien Munster[1] se servent du Livre de la Foi.

Malgré cela, et indépendamment des dissemblances que j’ai déjà signalées, à partir du dix-septième siècle l’antijudaïsme se différencie de l’antijudaïsme des siècles précédents. Le côté social prédomine peu à peu sur le côté religieux, bien que celui-ci subsiste toujours. On commence à se demander, non pas si les Juifs ont tort d’être usuriers, ou commerçants, ou déicides, mais si, comme dit Schudt[2], les Juifs doivent être tolérés dans l’État ou non ; si, comme le demande dès 1655 John Dury[3], dans un pamphlet dirigé contre Menasseh ben Israël, le protégé de Cromwell, il est légal d’admettre les Juifs dans une République chrétienne. C’est ce point de vue social que l’on va désormais développer dans l’antijudaïsme littéraire ; une partie de l’antisémitisme moderne va

  1. Revue des Études juives, t. V, p. 57.
  2. Loc. cit.
  3. Un cas de conscience. (Londres, 1655).