Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
206
L'ANTISÉMITISME

rent tranquilles. Ils dépendaient naturellement des boyards qui avaient dans le pays la prépondérance, et ils leur affermaient la vente des spiritueux, dont ces seigneurs avaient le monopole. Comme ils étaient nécessaires aux nobles, comme collecteurs de taxes, agents fiscaux et intermédiaires de toutes sortes, ces derniers étaient plutôt portés à leur accorder des privilèges, et ils n’avaient à redouter que l’excès des superstitions ou des colères populaires. La persécution officielle contre les Juifs ne commença qu’en 1856, lorsque la Roumanie se donna un régime représentatif et qu’ainsi le pouvoir tomba aux mains de la classe bourgeoise. Le traité de Paris de 1858, qui précéda l’union de la Moldavie et de la Valachie, reconnaissait aux Moldo-Valaques, sans distinction de religion, la jouissance des droits civils. Malgré le texte formel du traité, les Juifs furent exclus des bénéfices de l’indigénat, et le gouvernement roumain répondit aux représentations qui lui furent faites que les Juifs étaient des étrangers. Dès lors, les mesures restrictives s’aggravèrent. Les Israélites ne purent obtenir de grades, on leur retira le droit de domicile permanent dans les campagnes, il leur fut défendu de posséder des immeubles — sauf dans les villes — ni des terres ou vignes. On leur interdit de prendre des domaines en ferme, de tenir des hôtels et des cabarets hors des cités, de débiter des alcools, d’avoir des domestiques chrétiens, de construire des synagogues nouvelles. Quelques-unes de ces décisions étaient prises arbitrairement par