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L'ANTISÉMITISME

laient un jargon judéo-allemand qui achevait de les distinguer. Ils vivaient sous la domination de leurs rabbins, talmudistes étroits, bornés, ignorants, dont ils recevaient dans des écoles juives, — les Heder — une éducation qui contribuait à perpétuer leur abaissement intellectuel et leur avilissement.

Ils furent les victimes de cet isolement, isolement qu’ils devaient au fanatisme des rabbanites qui les dirigeaient. Dans ce pays qui naissait, qui acquérait une nationalité, et tendait à l’unité, les passions patriotiques étaient singulièrement excitées. Il y eut un panroumanisme, comme un pangermanisme ou un panslavisme ; on discuta sur la race roumaine, sur son intégrité, sur sa pureté, sur le danger qu’il y avait à la laisser adultérer. On fonda des associations pour résister à l’envahissement étranger et surtout pour résister à l’envahissement juif. Les instituteurs, les professeurs d’université furent l’âme de ces sociétés ; ce sont eux qui furent, comme en Allemagne, les plus actifs antisémites. Ils considéraient les Juifs comme les agents et les apôtres du germanisme, et c’est pour les refouler, pour les contenir qu’ils furent les instigateurs de la législation restrictive. Ils reprochaient aux Juifs de former un État dans l’État, ce qui était vrai, et, contradiction perpétuelle de l’antijudaïsme, ils légiféraient pour les maintenir dans cette situation qu’ils jugeaient dangereuse ; ils affirmaient que l’éducation judaïque déformait les cerveaux de ceux qui la recevaient, qu’elle les rendait inaptes à la vie sociale, ce qui était