sément ces négociants occupent une situation privilégiée ; quant aux procédés déloyaux d’une partie de la masse misérable, ceux qui la composent sont dans une condition telle que « s’ils ne pillaient pas, la nourriture leur manquerait »[1] », et ils se trouvent ainsi dans le même état qu’un grand nombre de Russes orthodoxes que l’état social et économique de la Russie pousse à être peu scrupuleux pour pouvoir vivre[2].
Quelles sont donc les véritables causes de l’antisémitisme ? Elles sont politiques et religieuses. L’antisémitisme n’est nullement un mouvement populaire en Russie : il est purement officiel. Le peuple russe, accablé de misère, écrasé d’impôts, courbé sous la plus atroce des tyrannies, aigri par les violences administratives et l’arbitraire gouvernemental, chargé de souffrances et d’humiliations, est dans une situation intolérable. Résigné en général, il est capable de colères ; ses séditions, ses révoltes sont à redouter ; les émeutes antisémitiques sont propres à détourner les fureurs populaires, c’est pour cela que le gouvernement les a encouragées et souvent provoquées. Quant aux paysans ou aux ouvriers ils se ruaient sur les Juifs parce que, disaient-ils, le « Juif et le noble se valent, seulement il est plus