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Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/27

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LES CAUSES GÉNÉRALES DE L'ANTISÉMITISME

ne se contenta bientôt plus de les mésestimer, on les excommunia. Ces exclusions ne parurent pas suffisantes aux Rabbanites. À défaut de Platon, le Juif n’avait-il pas la Bible, et ne saurait-il entendre la voix des prophètes ? Comme on ne pouvait proscrire le Livre, on le diminua, on le rendit tributaire du Talmud ; les docteurs déclarèrent : « La Loi est de l’eau, la Michna est du vin. » Et la lecture de la Bible fut considérée comme moins profitable, moins utile au salut que celle de la Michna.

Toutefois, les Rabbanites ne parvinrent pas à tuer du premier coup la curiosité d’Israël, il leur fallut des siècles pour cela, et ce ne fut qu’au quatorzième siècle qu’ils furent victorieux. Après que Ibn Esra, R. Bechaï, Maïmonide, Bedarchi, Joseph Caspi, Lévi ben Gerson, Moïse de Narbonne, bien d’autres encore — tous ceux qui, fils de Philon et des Alexandrins, voulaient vivifier le Judaïsme par la philosophie étrangère — eurent disparu ; après que Ascher ben Jechiel eux poussé l’assemblée des rabbins de Barcelone à excommunier ceux qui s’occuperaient de science profane ; après que R. Schalem de Montpellier eut dénoncé aux dominicains le More Nebouchim, après que ce livre, la plus haute expression de la pensée de Maïmonide, eut été brûlé, après cela les Rabbins triomphèrent[1].

  1. La pensée juive eut encore quelques lueurs au quinzième et au seizième siècle. Mais ceux des Juifs qui produisirent avaient, pour la plupart, pris parti dans la lutte entre la philosophie et la religion, ils n’eurent aucune influence sur leurs coreligionnaires, et cela ne prouve rien contre l’esprit inculqué à la masse par