Bible et le Talmud ne constituent pas toute la littérature hébraïque. La production littéraire juive du huitième au quinzième siècle fut très grande. Il y eut une poésie néo-hébraïque, poésie synagogale qui fut surtout très abondante et très brillante en Espagne[1] ; il y eut une philosophie religieuse juive, qui naquit en Égypte avec Saadia, et que développèrent plus tard Ibn Gebirol et Maïmonide ; il y eut une théologie juive avec Joseph Albo et Juda Lévita, et une métaphysique juive qui fut la Kabbale. Cette littérature, cette philosophie, cette théologie, cette métaphysique furent le bien commun des Israélites de tous les pays. Jusqu’au moment où l’effort obscurantiste des rabbins eut fermé leurs oreilles et leurs yeux, jusqu’à ce moment leur esprit puisa aux mêmes sources, ils s’émurent aux mêmes pensées, ils rêvèrent les mêmes rêves, ils s’éjouirent aux mêmes rythmes, à la même poésie, les mêmes préoccupations les hantèrent et ainsi ressentirent-ils les mêmes impressions, qui façonnèrent pareillement leur esprit, cet esprit juif, formé de mille éléments divers, mais qui ne fut pas sensiblement différent, du moins dans ses tendances générales, du vieil esprit juif, car ceux qui contribuèrent à l’engendrer furent nourris par l’antique Loi.
Donc, tous les Juifs eurent une religion, des mœurs,
- ↑ Voir Munk : De la Poésie hébraïque après la Bible, dans le Temps du 19 janvier 1835, et les travaux de Zunz, Rapoport et Abraham Geiger. Voir aussi l’Histoire des Juifs d’Espagne, d’Amador de los Rios (1875).