et à se donner du bien-être pendant la vie[1]. « Réaliste ainsi, il chercha à se développer au mieux de ses désirs ; n’ayant qu’un nombre restreint d’années à lui dévolu, il voulut en jouir, et ce ne furent point des plaisirs moraux qu’il demanda, mais des plaisirs matériels, propres à embellir, à rendre douce son existence. Comme le paradis n’existait pas, il ne pouvait attendre de Dieu, en retour de sa fidélité, de sa piété, que des faveurs tangibles ; non des promesses vagues, bonnes pour des chercheurs d’au-delà, mais des réalisations formelles, se résolvant en un accroissement de la fortune, une augmentation du bien-être. Si le Juif se voyait frustré des avantages qu’il pensait être dus à son attachement, son âme était profondément perturbée ; avec Job, il préférait croire qu’il avait péché sans le savoir, et que, après lui avoir fait expier ses fautes par la pauvreté, Iahvé le traiterait comme ce même Job à qui fut accordé « le double de tout ce qu’il avait possédé[2] ».
N’ayant aucun espoir de compensation future, le Juif ne pouvait se résigner aux malheurs de la vie ; ce n’est que fort tard qu’il put se consoler de ses maux en songeant aux béatitudes célestes. Aux fléaux qui l’atteignaient, il ne répondait ni par le fatalisme du musulman, ni par la résignation du chrétien : il répondait par la révolte. Comme il était en possession d’un idéal concret, il voulait le réaliser et