Aller au contenu

Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais que sur un peuple de révoltés, inapte à subir tout joug et toute contrainte.

On pourrait croire que, pensant ainsi, les Juifs abdiquaient leur liberté entre les mains du maître qu’ils reconnaissaient ; il n’en est rien, et ils ne furent jamais des fatalistes comme les Musulmans. Ils revendiquaient vis-à-vis de Iahvé leur libre arbitre, et, sans souci de la contradiction, en même temps qu’ils se courbaient sous les volontés de leur Seigneur, ils se dressaient en face de lui pour affirmer la réalité, l’inviolabilité de leur moi.

N’avaient-ils pas été faits à l’image de Dieu, et leur être ne participait-il pas de ce Dieu ? C’est parce qu’ils avaient été modelés sur leur Créateur que leurs frères humains ne devaient pas commettre ce sacrilège de les opprimer ; mais Iahvé, qui avait fait don aux hommes de l’intelligence, n’était pas libre de les empêcher de diriger cette intelligence selon leur gré. L’histoire de la dispute de Rabbi Eliézer et des rabbins, ses collègues, nous donne un exemple assez topique, et elle mérite d’être rapportée :

Au cours d’une discussion doctrinale, la voix divine se fit entendre et, intervenant dans le débat, elle donna raison à Rabbi Eliézer. Les collègues du favorisé n’acceptèrent pas la décision céleste ; un d’entre eux, Rabbi Josué, se leva et déclara : « Ce ne sont pas des voix mystérieuses, c’est la majorité des sages qui doit décider désormais des questions de doctrine. La raison n’est plus cachée dans le ciel, ce n’est plus dans les cieux qu’est la Loi ; elle a été