les siècles d’humiliations qui abaissèrent leur caractère, déprimèrent leur cerveau, rétrécirent leur intelligence, transformèrent leurs goûts, leurs coutumes, leurs aptitudes, les débris de Juda n’abjurèrent pas leur rêve, ce rêve si vivace, qui avait été pendant les guerres de l’indépendance leur soutien et leur inspirateur.
Les bûchers, les massacres, les spoliations, les insultes, tout contribua à leur rendre plus chère cette justice, cette égalité et cette liberté qui ne furent pour eux, durant bien des ans, que les plus vains des mots. La grande voix des prophètes annonçant que le méchant serait un jour châtié eut toujours écho dans ces âmes tenaces qui ne voulaient pas plier et qui méprisaient la réalité si misérable pour se bercer de l’idée du temps futur ; ce temps futur dont avaient parlé Amos et Isaïe, Jérémie et Ézéchiel, et tous ceux qui, s’accompagnant sur les instruments à cordes, avaient chanté les mizmorim. Quelque noir que fut le présent, Israël ne cessa jamais de croire à l’avenir.
On disait aux Juifs : « Qu’attendez-vous le Messie ; obstinés, ne savez-vous qu’il est venu ? » Les Juifs répondaient par un sarcasme ; ils haussaient les épaules et répliquaient : « Le Messie n’est pas venu, puisque nous souffrons, puisque la famine désole le pays, puisque la peste noire et le noble accablent les tristes hères ! » Mais si on leur faisait entendre que leur Mashiah ne viendrait jamais, ils redressaient leur tête courbée, et, têtus, ils disaient : « Mashiah