Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/351

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dix-huitième et au commencement du dix-neuvième siècle, quand ce petit Hébreu rachitique, polisseur de verres, devint le maître et le « refuge ordinaire » de Gœthe[1], le saint qu’adorèrent Novalis et Schleiermacher, l’inspirateur des premiers romantiques et des métaphysiciens allemands.

De même, dans tout le terrible antichristianisme du dix-huitième siècle, il importerait d’examiner quel fut l’apport, je ne dis pas du Juif, mais de l’esprit juif. Il ne faut pas oublier qu’au dix-septième siècle, les savants, les érudits comme Wagenseil, comme Bartolocci, comme Buxtorf, comme Wolf, firent sortir de l’oubli les vieux livres de polémique hébraïque, ceux qui attaquaient la trinité, l’incarnation, tous les dogmes et tous les symboles, avec l’âpreté judaïque, et la subtilité que possédèrent ces incomparables logiciens que forma le Talmud. Non seulement ils publièrent les traités dogmatiques et critiques, les Nizzachon et les Chizuk Emuna[2], mais encore ils traduisirent les libelles blasphématoires, les vies de Jésus, comme le Toledot Jeschu et le dix-huitième siècle répéta sur Jésus et sur la Vierge les fables et les légendes irrespectueuses des pharisiens du deuxième siècle, qu’on retrouve à la fois dans Voltaire et dans Parny, et dont l’ironie rationaliste, âcre et positive, revit dans Heine, dans Boerne et dans Disraëli, comme la puissance de raisonnement des docteurs renaît dans Karl Marx et la

  1. Gœthe : Mémoires, liv. XVI, Annales, 1811.
  2. Voir ch. VII. — Wolf : Bibl. Hebr., t. IV, p. 639.