Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/371

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démontrés, et ils sont fort rares[1], qu’à la vengeance ou aux préoccupations de magiciens, préoccupations qui ne sont pas plus spécialement juives que chrétiennes.

La persistance de ces préjugés est significative, car elle montre quel vieux levain de la défiance gît dans les âmes contre les déicides. Assurément, l’antisémite chrétien ne croit pas que le Juif qu’il coudoie journellement, le Juif moderne, celui qui a abandonné ses mœurs séculaires, se serve du sang des petits enfants à époques fixes et pour faire son salut, mais il croit qu’il appartient à une race qui, par haine du nom de Jésus, a recommandé ces sacrifices rituels, et il déclare volontiers que si le Juif civilisé a délaissé ces abominables et surannées coutumes, il a gardé ses sentiments. Il ne perce plus les hosties pour en recueillir le sang[2], mais il attaque le Christ dans son église, il complote perpétuellement la ruine de

  1. Voir le rapport de Ganganelli, plus tard pape sous le nom de Clément XIV, rapport qui conclut à la fausseté des accusations lancées contre les Juifs, après avoir contrôlé les cas de meurtre rituel qui étaient mis à la charge des Juifs (Revue des Études juives, avril-juin 1889). Il est bon d’ailleurs de faire remarquer que les corps d’enfants qui avaient servi aux opérations magiques n’étaient jamais retrouvés et que les goètes les incinéraient prudemment.
  2. La fréquence des légendes sur les hosties sanglantes montre à quel point le Moyen Age fut matérialiste, tout en produisant les mystiques les plus subtils. Quant aux Juifs accusés de recueillir le sang des hosties, l’accusation est absurde, car jamais le Juif n’a cru à la présence du Christ dans l’hostie. S’il y avait cru, il y a des chances pour qu’il se fût converti. C’était même généralement ce qui arrivait.