Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/419

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tisme s’évanouira et ainsi l’antisémitisme perdra de sa violence ; seulement il durera tant que dureront les causes nationales et les causes économiques.

Mais le particularisme et l’égoïsme national, si forts, si puissants qu’ils soient encore, présentent des signes de décadence. D’autres idées sont nées qui, tous les jours, acquièrent plus de force ; elles imprègnent les esprits, s’impriment dans les cervelles, engendrent des conceptions nouvelles, de nouvelles formes de pensées. Si le principe des nationalités est encore un principe directeur de la politique, on ne fait plus de la haine contre l’étranger un dogme brutal et irraisonné[1]. Il se crée une culture commune aux peuples civilisés, une culture humaine au-dessus de la culture française, de la culture allemande, de la culture anglaise ; la science, la littérature, les arts deviennent internationaux, non qu’ils perdent ces caractéristiques qui en font le charme et le prix, et qu’ils visent à une uniformité fâcheuse, mais ils sont animés d’un même esprit. La fraternelle des peuples, qui était jadis une chimère inattingible, peut être rêvée sans folie ; le sentiment de la solidarité humaine se fortifie, le nombre des penseurs et des écrivains qui travaillent à le renforcer augmente tous les jours ; les nations se rapprochent les unes des autres, elles peuvent mieux se connaître, mieux s’aimer et s’estimer ; la facilité des relations

  1. Excepté cependant les patriotes exaltés, ceux qui, en France, sont anglophobes et germanophobes par principe, plutôt que par raisonnement.