Page:Lazare - Le Nationalisme juif, 1898.djvu/3

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tout dans ces pays qu’on ne veut voir dans le judaisme qu’une confession religieuse. Cela peut être une tactique, une politique, — celle de l’autruche — mais ce n’est pas l’expression de la vérité ! Dans ce cas particulier, il m’est sans doute permis de le dire ici, ce sont les antisémites qui ont raison. Ils ne savent pas pourquoi, certes, et c’est simplement leur haine qui leur a donné une confuse clairvoyance, mais ils sont bien dans la vérité contre les journaux qui défendent l’orthodoxie. Le judaïsme comporte une religion — une religion nationale — mais il n’est pas seulement une religion et que peut répondre un orthodoxe, un Hassid, un talmudiste ou un de ceux qui répudient le nom de Juifs pour ne retenir que celui d’israélite à l’athée qui lui dira : « Je me sens juif ». C’est là un sentiment qui a sa valeur, tout au moins il existe et il est bon de se demander d’où il sort, sur quoi il s’appuie, quelles en sont les causes et la genèse.

À ces questions une réponse est faite à la fois par les philosémites et les antisémites. Ce qui unit entre eux tous les Juifs du monde, c’est qu’ils sont de même race. Cette affirmation ne soutient pas l’examen. Le Juif russe au nez écrasé, aux pommettes saillantes, aux yeux bridés, le Juif espagnol au nez recourbé, à la bouche charnue, le petit Juif brun au nez droit et le petit Juif roux d’Allemagne, ont-ils le même ancêtre, descendent-ils d’un même couple ? Non, mais on pourrait leur chercher des aïeux dans la Judée d’autrefois, et on retrouve leur effigie à la fois sur les bas-reliefs des Hittites et sur les fresques qui ornent les tombeaux des Pharaons. Il y a plusieurs types juifs, mais malgré les croisements et les mélanges, on peut soutenir, contre Renan, que la pérennité de ces types est incontestable. Si donc nous rectifions l’idée que philo et antisémites se font de la race juive, on peut dire que l’identité des origines, constitue déjà un lien entre les juifs.

Mais la croyance en cette communauté d’origine n’est pas suffisante pour nous unir. Est-ce uniquement la qualité qu’on nous attribue qui nous attache les uns aux autres ? Non, car c’est à cause de cet attachement qu’on nous accorde cette qualité.

Où puisons nous alors ce sens de notre unité, si je puis dire ? D’abord dans un passé commun, et un passé bien récent. Le Juif émancipé se conduit le plus souvent comme un parvenu, il oublie l’aïeul misérable dont il est issu. Alors que chacun s’ingénie à se chercher des ancêtres, il veut oublier qu’il en a eu un. Cet ancêtre lui fait peu d’honneur, c’était généralement un pauvre hère que l’on trai-