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LE JEUNE ACROBATE

Il faut s’enfoncer maintenant sous la grande forêt, dans cette région vierge des Laurentides, immense et tourmentée comme une mer en fureur ; dans cette région de montagnes ombreuses et de crêtes scalpées, qui viennent brusquement s’arrêter au grand fleuve, et lui faire un rempart crénelé qui déchire la nue.

On escalade les rochers, on franchit les torrents, on dort sur la dure, on est poursuivi par une légion de moustiques qui chantent, vibrante et claire comme un verre qui se brise, leur monotone chanson, nous embrassent effrontément un peu partout, et, comme le “kissing bug” dont ils devraient au moins imiter la pudeur, ils gorgent ensuite de notre sang le plus pur. Mais quel paysage merveilleux ! Quel air vivifiant ! Quelle senteur enivrante et douce ! Quel calme endormeur et profond ! Partout des lacs bleus comme le ciel baignent le pied des montagnes ; partout des rivières serpentent dans les vallées ; partout des cimes provoquent les