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LES MARIONNETTES

des manufacturiers, des politiqueurs, mais pas un poète, pas un peintre, pas un musicien.

Et ceux qui les regardaient passer, la mine rechignée et l’air déconfit, n’étaient plus que le reliquat d’une époque déjà lointaine, et le reste d’un monde ancien. C’était la royauté en habit râpé et sans couronne. Des fils de princes et de ducs, des rejetons de comtes et de barons, des noms jadis retentissants et des veines où dormait une goutte de sang noble…

Et, parmi ces déchus, plusieurs tenaient à la main des parchemins jaunis qu’ils offraient aux belles ouvrières en landau. Toutes acceptaient avec un plaisir mal dissimulé, ces titres démodés et vains ; et princes et roturières continuaient leur route ensemble, parchemins contre bourses, dans un curieux tête-à-tête.

Le temps avait marché, comme vous voyez ; le peuple était devenu souverain. Le travail refaisait le monde et les travailleurs régnaient en maîtres à leur