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LE RÉVEILLON

Et bientôt, comme une digue qui se rompt, le cantique s’élança de toutes ces bouches rassasiées, avec un rythme si allègre et si violent, que la maison en tressaillit sur son « solage » de pierre. Le bonhomme Gaspard, la tête dans ses mains osseuses, toutes couvertes d’une ramille de veines bleues, songeait profondément. Quand le vol ardent du saint cantique se fut perdu dans les frissons du vent, bien au-dessus du toit neigeux, il se redressa et, promenant son regard sévère sur les hôtes attentifs, accoudé sans gêne sur la table du festin, il dit :

« Je m’appelle Gaspard LeMage. Des gens fort instruits m’assurent que je descends en ligne directe de Gaspard, l’un des trois mages de l’Orient qui vinrent à Bethléem pour adorer le Sauveur des hommes, encore vagissant dans la fraîcheur humide d’une large grotte, où s’abritaient les bêtes des champs. Rien d’étonnant qu’il en soit ainsi, puisque de fils en père, de même que tous les hommes.