Page:LeMay - Contes vrais, 1907.djvu/440

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
406
LA CROIX DE SANG

soutenue. Maintenant elle était calme, et son grand œil noir et doux était plein de larmes, comme la nuit où vainement il plongeait.

Brin-d’herbe n’avait pas reçu le baptême, et c’était la crainte de mourir sans avoir été purifiée par l’eau régénératrice qui l’attristait ainsi. Le sang de ses belles épaules meurtries, le souvenir de sa couche parfumée, près de sa mère, la pensée d’un exil sans fin, l’aspect du bûcher, la vision de mille instruments de supplice, tout cela pouvait bien faire frémir sa chair vierge… Oui, mais tout cela n’était que chose d’un moment… Après il n’y aurait plus rien… rien ! Mais le baptême !… le ciel… la joie éternelle de la possession de Dieu !… Elle pleurait, la pauvre enfant des bois.

La nuit s’étendit comme une mer de ténèbres, et, dans cette mer impalpable, tout flottait invisible et comme perdu. Les sanguinaires guerriers dormaient, couchés au fond, sur la mousse et les feuilles des étés disparus.