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LE MARTEAU DU JONGLEUR

la fit descendre lentement, comme une boisson chaude, dans sa gorge altérée, puis, soulevant la peau bigarrée dont il était vêtu, il tira de sa poitrine un crucifix d’ivoire.

C’était le crucifix du père Brébeuf !

Un cri rauque, farouche, prolongé, fit trembler le wigwam.

Le jongleur se leva aussitôt. Sa face jaune où les rides mettaient un bariolage noir, s’éclaira d’une joie infernale. C’est le Manitou des Visages-pâles, s’écriat-il ! Il vient nous chasser de nos forêts…

Le Visage-pâle n’est pas un guerrier. Il travaille courbé sur le sol comme un lâche !… Le Manitou de nos aïeux m’a parlé dans un songe… Il m’a parlé, et voici ce qu’il m’a dit :

— Tu feras mourir dans les supplices l’Esprit qu’adore le Visage-pâle… Tu le feras mourir, comme les jongleurs puissants des pays où le soleil se lève l’ont fait mourir, il y a bien, bien, bien des lunes !…