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PATRIOTISME

Tout à coup un vieillard s’avança sur le seuil. Il était mis comme le dimanche, pour la messe. Il descendit le perron d’un pas assez léger, en s’appuyant un peu sur sa grosse canne de cenellier, se retourna vivement, jeta une bouffée de rire, et s’écria d’une voix vibrante :

— La jambe vaut le cœur, allons-y !

Une femme très âgée aussi, grande et l’air digne, parut à son tour dans la porte. Elle semblait une enluminure de sainte femme dans un cadre antique. Elle dit :

— Tu vas te fatiguer, peut-être : attends donc la relevée, tu prendras la voiture.

— Tut ! tut ! tut ! à quatre-vingt-cinq ans on n’attend plus. Si j’allais trépasser avant de voter !

— Sais-tu bien pour qui voter, au moins ?

Le bonhomme trottinait tout allègrement.

Elle se mit à rire en le regardant aller.

Ces deux beaux vieillards avaient leur histoire. Une histoire bien simple et bien