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UN RÊVE

— Tous ces hommes, me dit mon guide obligeant, se prétendent animés de l’amour de la patrie, et du désir de faire du bien à leurs concitoyens. Faut-il les croire sur parole ? Ils iront sur les tréteaux populaires, verser des flots d’éloquence sur la foule ébahie qui ne les comprendra guère, et s’amusera d’autant mieux. Notre peuple aime les beaux diseurs. Il aime davantage, peut-être, les rudes diseurs, les violents, les féroces, car la charité chrétienne est encore bien peu répandue sur la terre, après dix-neuf siècles de culture.

Et, comme je regardais, un peu ahuri, ces enfiévrés travailleurs occupés à fourbir leurs armes et à remplir leurs carquois pour les luttes électorales, j’entendis une voix grave qui disait :

— La politique est un véritable fléau pour ceux qui s’en préoccupent à l’excès, lorsque leur rang ou leurs emplois ne leur en font pas en quelque sorte une obligation.