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Page:LeMay - Contes vrais, 1907.djvu/62

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LE BAISER FATAL

les vagues blondes de l’avoine et du blé. Ici elle prenait un épi qu’elle mettait dans ses cheveux, là elle cueillait une marguerite qu’elle effeuillait en disant : Il m’aime …un peu… beaucoup… pas du tout… à la folie… Parfois elle jetait un éclat de rire, parfois une larme coulait sur sa joue pâle.

Cependant ses pas ne s’égaraient point toujours au hasard, mais souvent se dirigeaient vers une maison cachée comme un nid dans un bouquet d’ormes, au bord de la grève.

Quelquefois elle passait devant la porte de cette maison, la tête penchée afin de ne voir personne ; quelquefois, encore elle s’arrêtait sur le seuil, appelait les enfants qui se sauvaient, et demeurait de longs instants les bras croisés sur sa poitrine, et comme muette de stupeur. Nul n’aurait pu dire ce qui se passait alors dans son esprit malade. Elle entrevoyait peut-être, à la lueur d’un éclair, l’abîme où sa pauvre raison avait sombré. Elle essayait peut-être de renouer le fil rompu de