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ÉVANGÉLINE
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 « Si vous n’êtes meilleurs ? Si vous ne savez plus
« Pardonner aux méchants comme font les élus ?
« Si loin de pardonner vous cherchez la vengeance ?
« C’est ici la maison d’un Dieu plein d’indulgence
« Ne la profanez point par d’aveugles excès.
« La haine ne doit pas au temple avoir d’accès.
« Oh ! voyez sur la croix ce Dieu qui vous contemple !
« Ce Dieu crucifié doit vous servir d’exemple !
« Voyez, mes bons enfants, quelles saintes douceurs
« Dans ce regard rempli de tristesse et de pleurs !
« Que de paix et d’amour sur cette lèvre pâle
« Qui semble dire encore, au moment où s’exhale,
« Comme un baume divin, le suprême soupir :
— « Père, pardonnez-leur ce qu’ils me font subir » —
« Mes enfants, disons donc, nous que la peine accable,
« Nous qui sommes l’objet d’une haine implacable ;
« 0 mon Père, pardon ! pardon pour nos bourreaux ! »
Après un jour brûlant, s’il pleut, les arbrisseaux
Verdissent dans les prés et nous semblent renaître.
Tels les cœurs abattus, aux paroles du prêtre,
Retrouvèrent la force et la tranquillité :
Et les bons villageois, avec humilité,
Levèrent sur le Christ des regards d’espérance
Et s’écrièrent tous, oubliant leur souffrance
Et tombant à genoux sous les sacrés arceaux :
« 0 mon père, pardon, pardon pour nos bourreaux ! »


Déjà le jour baissait. La voûte de l’église
Prenait, de place en place, une teinte plus grise ;