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Page:LeMay - Essais poétiques, 1865.djvu/44

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ÉVANGÉLINE
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Puis au bout de la table était un vieux fauteuil.
Inquiète et tremblante on la vit sur le seuil
Jusqu’à l’heure tardive où, loin dans les prairies
Les ombres des grands pins sur les herbes fleuries,
S’allongent vers le soir : Et comme une ombre aussi
S’étendit la douleur dans son cœur tout transi.
Elle était accablée, et pourtant sa jeune âme,
Comme un jardin céleste, exhalait le dictame
De l’espoir, de l’amour et de la charité.
Oubliant sa faiblesse et sa timidité
Elle partit alors, et, dans tout le village,
Par des regards amis, par un pieux langage,
Courageuse, elle alla consoler, tour à tour,
Les vierges qui pleuraient leur tendre et pur amour ;
Elle alla ranimer les femmes désolées
Qui revenaient, en pleurs, et tout échevelées,
Dans leurs foyers déserts avec leurs chers enfants,
Car déjà la noirceur s’étendait sur les champs.


Le soleil descendit derrière les collines,
Et de molles vapeurs, de folâtres bruines,
De son orbe éclatant voilèrent les doux feux ;
De même qu’autrefois en des Temps merveilleux
Quand du Mont Sinaï descendit le prophète
Un éclatant nuage environna sa tête.
Et l’angelus sonna dans la vibrante tour
A l’heure de mystère où s’efface le jour.