Page:LeMay - Essais poétiques, 1865.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
ÉVANGÉLINE

Pour voir dans la chapelle à travers les vitreaux.
Avec un air d’orgueil, marchant à pas égaux,
Les soldats, deux à deux, des vaisseaux descendirent
Et tout droit à l’église à grands pas se rendirent.
Au son de leurs tambours de sinistres échos
Du temple profané troublèrent le repos.
Un long frémissement s’empara de la foule
Qui bondit comme un flot que la tempête roule.
La porte fut fermée avec de gros verrous.
Des féroces soldats redoutant le courroux
L’Acadien plein de crainte attendit en silence.
Bientôt le commandant avec fierté s’avance,
Monte jusqu’à l’autel, se tourne et parle ainsi :
— « Vous êtes en ce jour tous assemblés ici
« Comme l’a décrété Sa Majesté chrétienne,
« Honnêtes habitants de la terre Acadienne :
« Or vous n’ignorez pas que le roi fut clément,
« Fut généreux pour vous ; mais, vous autres, comment
« À de si grands bienfaits osez-vous donc répondre ?
« Consultez votre cœur il pourra vous confondre.
« Paysans, il me reste un devoir à remplir,
« Un pénible devoir ; mais dois-je donc faiblir ?
« Dois-je faire à regret ce que mon roi m’ordonne ?
« Je viens pour confisquer, au nom de la couronne,
« Vos maisons et vos biens avec tous vos troupeaux.
« Vous serez transportés à bord de nos vaisseaux,
« Sur un autre rivage où vous serez, peut-être,
« Un peuple tout nouveau, plus heureux et moins traître.
« Vous êtes prisonniers au nom du Souverain. »
En été quelquefois quand le soleil de juin,
Par l’ardeur de ses feux dessèche les prairies ;
Que les fleurs des jardins, que les feuilles flétries