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ÉVANGÉLINE.

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« Nos paisibles foyers, notre temple béni,
Quand notre amer exil enfin sera fini ! »


Parmi les paysans dispersés sur la berge,
Etonnés et sans voix, le saint prêtre et la vierge
Regardaient la lueur qui grandissait toujours.
Assis à quelques pas, refusant tout secours,
Benoît leur compagnon demeurait impassible
Et semblait ne point voir la scène indescriptible
Qui se passait alors sur le bord de la mer.
Après quelques instants d’un calme bien amer,
Lorsque pour lui parler tous deux ils se levèrent,
0 surprise ! ô douleur ! alors ils le trouvèrent
Etendu sur le sol, froid et sans mouvement !
Le prêtre lui leva la tête doucement ;
Et la vierge tombant à genoux sur la terre,
Près des restes sacrés de son bien-aimé père,
Poussa de longs sanglots et puis s’évanouit.
Et jusqu’à l’heure où l’aube au ciel s’épanouit
Comme une fleur au bord d’un odorant parterre,
La pauvre enfant dormit ce sommeil de mystère,
Ce lourd sommeil qu’on nomme évanouissement.
Quand elle s’éveilla le fond du firmament
Etait encore rougi par le feu du village ;
Les galets de la rive et l’herbe et le feuillage
Etincelaient encor. Les amis l’entouraient.
Pâles, silencieux, plusieurs d’entre eux pleuraient
En reposant sur elle un regard de tristesse.
Un grand cri s’échappa de son âme en détresse