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Page:LeMay - Essais poétiques, 1865.djvu/69

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ÉVANGÉLINE

Fléchirent dans l’exil, sous le poids des souffrances !
Elle avait vu s’enfuir ses douces espérances,
Ses rêves de bonheur et ses illusions !
Dans son cœur était mort le feu des passions !
Son âme ressemblait à quelque solitude
Où l’étranger chemine avec inquiétude
N’ayant, pour se guider, dans ces lieux incertains,
Que les débris des camps, que les brasiers éteints,
Et que les os blanchis qui luisent à la lune.
Le souffle destructeur d’une longue infortune
Avait, à leur aurore, empoisonné ses jours :
Elle n’avait pas vu le milieu de leur cours,
Et déjà descendait à grands pas vers la tombe !
Elle était l’humble fleur qui naît, pâlit et tombe !
Elle était le matin avec son ciel vermeil,
Ses chants mélodieux et son brillant soleil,
Qui tout à coup s’arrête en sa marche pompeuse,
Pâlit et redescend vers sa couche moelleuse.
Dans les villes, parfois, elle arrêtait ses pas :
Mais les vastes cités ne lui redonnaient pas
L’ami qu’elle pleurait, la paix du cœur perdue !
Elle en sortait bientôt, gémissante, éperdue,
Et poursuivait encor ses recherches plus loin,
Faible et lasse, parfois, se croyant sans témoin,
Elle venait s’asseoir au fond des cimetières,
Les regards attachés sur les croix ou les pierres
Qui protégeaient des morts le suprême repos.
Elle s’agenouillait, parfois, sur ces tombeaux
Où nulle inscription ne répète à la foule
L’humble nom du mortel que son pied distrait foule,
Puis elle se disait : « Peut-être qu’il est là !…
« La tombe qui devait nous unir la voilà !