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l’affaire sougraine

tissent, les autres pleurent et grelottent près d’un foyer sans chaleur. Il est bon d’être témoin de la folie des riches, cela nous fait aimer les pauvres. Je me demande parfois, disait-il encore, ce qu’il en adviendrait de tous ces gens heureux si les déshérités de la terre n’avaient pas pour se consoler les promesses de la religion. L’esprit de révolte germerait dans les cœurs, la haine soufflerait sur le monde, l’envie relèverait sa tête de vipère, et, le moment favorable venu, toute l’armée des misérables se précipiterait sur les classes aisées. Ce serait le partage du butin après la bataille du luxe et de la vanité contre l’indigence incrédule ou impie. Cette bataille et ce partage épouvantables arriveront bientôt si les apôtres de la libre pensée continuent leur œuvre diabolique.

— Le croirais-tu ? ajouta le vieux professeur à sa femme, Madame d’Aucheron m’a refusé, pour les pauvres de la St. Vincent de Paul, les restes de son festin de Sardanapale. — Amenez-ici quelques affamés, m’a-t-elle répondu, et je leur donnerai à manger. — Comme s’il était bien aisé de transporter ainsi des gens qui n’ont pas même de vêtements pour se protéger contre le froid. N’importe, je vais lui en amener, et plus qu’elle ne voudrait.