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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

gueil et la vanité de tous n’avaient pas attiré sur nos champs la malédiction du Seigneur, le cultivateur pouvait perdre du temps et négliger ses affaires, sans se croire plus pauvre. Il y avait un surplus en ce temps de fécondes récoltes ! Aujourd’hui ô mes pauvres campagnes, vous ne vous couronnez plus de riches moissons de froment !… Vous n’êtes plus sensibles aux durs travaux du laboureur ! Votre sein aride se laisse en vain déchirer par le soc tranchant ! Les épis légers se tiennent droits comme les hommes orgueilleux, et ne se courbent point comme les humbles que le ciel a remplis de vertus ! Le ver destructeur s’est glissé au cœur de la gerbe, de grain comme au cœur de la société ! Et quand le fléau tombe sur l’airée, quand le vanneur crible l’avoine et le froment, beaucoup de balles légères et de graines mauvaises sont jetées à la porte de la grange, comme beaucoup d’œuvres inutiles ou perverses seront rejetées et condamnées quand, l’Éternelle Justice criblera le monde.

La brise fraîchissait. Appareillons ! dit Mathurin, appareillons !

Mathurin était le capitaine de l’un des