Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, 1877.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

a, tour à tour, des joies ineffables et des craintes mortelles. Il a peur que le pêcheur fatigué ne lâche prise tout à coup. Alors c’en serait fait. Pagé se penche sur l’eau et s’aperçoit que le malheureux a les mains liées derrière le dos. Il se baisse, tenant toujours d’une main ferme les cheveux du muet, ramasse, dans le fond de l’embarcation, le couteau dont il se sert pour la pêche et réussit, par un prodige d’équilibre et de sang froid, à couper les liens du malheureux. À mesure que le couteau fait son œuvre, la figure du muet se transforme et la vie et la lumière étincellent dans ses regards. Dès qu’il est libre, il se cramponne au canot. Pour ne pas l’exposer à verser, il n’essaie pas de monter dedans. Le pêcheur rame avec vigueur, et toujours dérivant, il vient atterrir à la rivière Jacques-Cartier. Flavien Richard, qui se trouve là, termine l’acte de charité en dénouant la corde qui enchaîne les pieds du muet.

Dans le transport de sa reconnaissance, le malheureux jeune homme prit la main de Pagé et la serra contre son cœur. De son bras encore engourdi il montra le ciel.

Le soleil sortait d’un nuage à l’orient. Les