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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

— Bien ! Picounoc, conte ton pèlerinage maintenant, dit Poussedon en s’essuyant les lèvres avec la manche de sa blouse.

— Donc, reprend le cynique conteur, sur un ton de plus en plus nasillard, je partis tête et pieds nus et je revins de même, mangeant et buvant selon la charité des habitants de la côte. Je faisais ce pèlerinage afin d’obtenir de l’argent pour faire honneur à mes affaires… j’étais plein de foi… et de dettes : je ne doutais pas du miracle. Cependant, à mon retour, je longeais tristement les rues de Saint Roch, et je m’acheminais vers le marché de la Basseville, pas un sou dans ma poche, et cherchant de quel côté m’allait venir la fortune. Je me rends sur le marché, je louvoie longtemps dans la foule. Tout à coup, ô prodige, j’aperçois un gamin qui se paie des petits chevaux de pâte-sucrée, à même une bourse longue, ronde et pleine comme cette carafe… Ô Sainte Anne ! me suis je écrié tout bas, vous êtes bien trop bonne !

— Ah ! cesse donc tes moqueries ! dit Sanschagrin. Je suis bien méchant, mais je n’aime pas qu’on ridiculise les croyances sacrées.

— Cesse donc ta morale, toi ! réplique Le-